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Quand les projets de recherche automobile servent l’innovation durable

Kévin BEHESHTI, Pilote Innovation à la DIN et Rémi BAYET, Consultant Spécialiste en motorisation thermique, décryptent la genèse, les enjeux et les perspectives de 2 projets embarqués sur la route de la transition énergétique du secteur automobile.

Une équipe de consultants de la Direction de l’Innovation d’ALTEN (DIN) travaillent sur deux projets de R&D automobile au service de l’innovation durable.

Le premier consiste à explorer les solutions d’injection d’eau dans le circuit d’admission ou les cylindres pour améliorer la thermique moteur, c’est-à-dire piloter plus finement la température de combustion. L’objectif ? Mieux contrôler les polluants tout en augmentant les performances.

Le deuxième projet porte sur des systèmes d’aérodynamisme actif et de refroidissement appliqués au véhicule électrique, qui pourraient optimiser son temps de chargement, son autonomie ainsi que son aspect sécuritaire.

#1. « Boost à liquide » :
une voiture bien hydratée pour bien avancer et moins polluer !

Ce projet est né à la DIN sur les bases d’une solution existante, développée par un équipementier de l’industrie automobile : celle d’un boost à eau, mis au point pour injecter de l’eau dans le moteur afin d’améliorer sa gestion thermique, grâce au refroidissement provoqué, gage d’un meilleur remplissage et de performances accrues. Un système jusque-là essentiellement utilisé dans des véhicules sportifs, dans le but d’optimiser au maximum leur puissance moteur.

Cette technologie, la DIN d’ALTEN a souhaité la valoriser par le biais des effets positifs de l’injection d’eau qu’elle permet, notamment en termes de dépollution du moteur, mais sur un cas d’usage appliqué aux véhicules « quotidiens » et avec l’ambition de la perfectionner pour qu’elle génère des baisses de consommation.

Une technologie en réponse à un enjeu abordé par ALTEN dans son livre blanc dédié à l’écoconduite : la norme CAFE, qui impose aux constructeurs une moyenne des émissions carbone inférieure à 95 g/km, établie à partir des données de tous les véhicules vendus sur une année. Bien que les deux grandes solutions pour répondre à cette réglementation environnementale résident dans l’hybridation et l’électrification, leurs développements ne seront pas complètement effectifs avant 2035. D’ici là, des initiatives doivent être prises pour que les véhicules thermiques puissent se rapprocher au maximum des normes imposées.

En effet, avec leur projet de boost à liquide, les équipes de la DIN ont décelé l’opportunité de pouvoir piloter plus finement la température de combustion, grâce à l’injection d’eau (récupérée à partir des gaz d’échappement) dans le circuit d’admission ou les cylindres.

L’objectif est double :

  • Améliorer l’efficience et donc la performance du moteur thermique par le refroidissement, comme la technologie « modèle » de la DIN le permettait déjà,

  • Réduire les oxydes d’azote (NOx), l’eau ayant des effets bénéfiques sur ces polluants, voire réduire la consommation énergétique globale du véhicule.

Cette technologie à « deux têtes », poussée dans ses retranchements par la DIN d’ALTEN, offre donc la possibilité aux constructeurs de mieux contrôler leurs polluants tout en s’autorisant à avoir des moteurs plus performants.

Simultanément, les collaborateurs ALTEN impliqués dans ce projet travaillent sur l’évaluation des potentiels technologiques de l’injection d’eau ainsi que sur ceux du système de récupération de celle-ci, avant de pouvoir amorcer des développements ultérieurs.

« À partir d’une technologie existante, qui comporte une toute petite fenêtre de tir pour agir sur la réduction des polluants, la Direction de l’Innovation va venir étirer son fonctionnement pour le rendre aussi intéressant dans le cas d’un véhicule thermique simple que dans le cas d’un véhicule hybride. »

Rémi BAYET – Consultant Spécialiste en motorisation thermique

#2. Aérodynamisme actif et refroidissement :
un véhicule électrique avec plus d’autonomie et plus safe

Pensés dans une approche fondamentale similaire, les véhicules électriques diffèrent des modèles thermiques dans leurs exigences pratiques.

Pour comprendre les enjeux de ce second projet, il est important de reposer le contexte de sa genèse », assure Kévin BEHESHTI. « Historiquement, les véhicules électriques sont basés sur les véhicules thermiques. Cela signifie que par convention, la question ne s’est pas forcément posée de penser différemment leur structure, partant du principe qu’un véhicule électrique dispose des mêmes organes que ceux d’un véhicule thermique, positionnés à peu près aux mêmes endroits.

Mais dans les faits, les besoins d’un véhicule thermique et ceux d’un véhicule électrique sont différents. Par exemple, un véhicule thermique n’a pas de contrainte quant à la façon dont il fait le plein ou quant à son autonomie. Alors qu’il s’agit précisément des principaux enjeux du véhicule électrique : charger le plus vite possible et aller le plus loin possible. Autre exemple, un véhicule essence va avoir tendance à chauffer sur de la pleine charge ou à un régime stabilisé, comme sur l’autoroute à 130 km/h en montée ; alors qu’un véhicule électrique atteint son pic de température à l’arrêt. De ce constat est apparue une piste : apporter des modifications à l’architecture du véhicule électrique pour optimiser ces paramètres », poursuit le Pilote Innovation.

L’architecture dont les équipes de la DIN se sont alors inspirées a d’ores et déjà été éprouvée en compétition, avec des véhicules tels que la Brabham BT46 ou la Chaparral 2J. Leur spécificité ? Être un modèle « aspirateur », qui aspire la route en son centre pour mieux la coller. Les bénéfices de cette technologie pressentis par la DIN résidaient dans le parallèle entre son fonctionnement et l’emplacement de la batterie sur un véhicule électrique : en-dessous et au centre. Une opportunité de bénéficier d’un mouvement d’air avec un effet aérodynamique intéressant pour améliorer la gestion thermique de la batterie d’un véhicule électrique, c’est-à-dire qui viendrait la refroidir, notamment pendant la recharge rapide à l’arrêt.

Autre avantage perçu de cette architecture : optimiser la dimension sécuritaire du véhicule électrique. Celui-ci étant plus lourd qu’un véhicule thermique, ses pneus subissent une plus grosse contrainte de poids. Une contrainte qui peut être annulée par l’ajout d’un appui aérodynamique : étant donné que le véhicule a de la masse, en virage il va avoir de l’inertie ; en revanche, avec un appui aérodynamique, autrement dit de la masse virtuelle sur les pneus, cela vient appuyer plus intensément dessus, laissant passer plus d’énergie sans ajouter d’inertie. Une démonstration physique qui offre la possibilité à un véhicule plus lourd de tourner aussi bien qu’un véhicule plus léger. Et mieux tourner permet un meilleur contrôle de freinage et donc, un comportement plus sécuritaire.

Au bout de ce raisonnement complexe mené par les équipes de la DIN se dessinent des enjeux élémentaires et surtout critiques pour les véhicules électriques.

D’autant plus quand l’on sait que la tendance est à leur multiplication et que les infrastructures de recharge n’arriveront plus à supporter la cadence si chaque véhicule électrique met 30 minutes à faire son plein.

Un retravail de leur architecture permettra donc :

1

De favoriser, grâce au flux d’air aspiré depuis la route, le refroidissement de la batterie pour accélérer son temps et sa puissance de chargement

2

De bénéficier d’une meilleure aérodynamique pour récupérer quelques kilomètres d’autonomie

3

D’augmenter la sécurité du véhicule grâce à l’appui aérodynamique (effet ‘aspirateur’), lui donnant la possibilité de mieux tourner en virage et d’être plus stable

Des enjeux qui ouvrent notamment aux constructeurs la perspective de pouvoir s’affranchir d’une contrainte : celle d’intégrer une grosse batterie dans le véhicule électrique.

Cette avancée le rendrait plus léger, plus écologique et moins cher, tout en sachant que la batterie est le composant du véhicule le plus difficile à industrialiser et à recycler.

Avec ce projet innovant, s’entrouvre alors la possibilité de rapprocher la facilité d’utilisation d’un véhicule thermique de celle d’un véhicule électrique, en particulier sur les aspects de temps de charge et d’autonomie : un argument de vente séduisant pour encourager la ruée vers des véhicules moins polluants.

À ce jour, la Direction de l’Innovation est parvenue à mettre en place des premières simulations d’aérodynamisme complètes et ambitionne d’y intégrer un couplage thermique.

Des équipes aux compétences et méthodologies pointues :
les coulisses de l’innovation

Cette dernière permet de réaliser des souffleries numériques à la fois pour des fluides de type air mais également pour des fluides de type liquide, par exemple pour observer comment le moteur se comporte quand de l’eau va être injectée dans le circuit d’air moteur.

Plus spécifiquement sur le sujet aérodynamisme actif/refroidissement, de l’aérodynamisme externe va être réalisé avec cette soufflante qui va être intégrée dans le véhicule et cumulée à des aspects aérothermiques, comme illustré ci-contre.

La maîtrise de la modélisation CFD ainsi que des compétences en motorisation, thermique (liée aux véhicules thermiques mais aussi électriques, appliquée à l’amélioration de la recharge batterie) et conception permettent aux consultants ALTEN de pouvoir répondre à une multitude de besoins des clients, qui intéressent beaucoup la recherche et les constructeurs.

Dans le cadre du projet du boost à liquide, le Groupe ALTEN bénéficie d’une position transversale sur la chaîne de propulsion thermique d’un véhicule, qui lui permet de communiquer et de faire le lien avec une grande partie des acteurs du produit, c’est-à-dire les fabricants du moteur, des injecteurs, des réservoirs, des lignes, des liquides à injecter dans le système…

Crédit photos : Direction de l’Innovation ALTEN

Au-delà des compétences techniques développées par les équipes de la DIN d’ALTEN, c’est leur capacité d’idéation à laquelle ses membres s’identifient le plus.

« Notre objectif est de mettre notre inventivité et notre capacité à innover au service d’une recherche qui tâtonne, teste et aboutit. »

Un sujet de recherche à la DIN n’a pas nécessairement pour finalité le développement d’un produit : on conçoit des idées innovantes, on cultive notre capacité à nous poser les bonnes questions et à créer des hypothèses que l’on va ensuite venir explorer.

« On propose ainsi à nos clients un état d’esprit et nos compétences, pour développer, main dans la main avec eux, des solutions et outils », affirme Kévin BEHESHTI.

Une méthodologie qui justifie l’évolution, voire le virage à 360 degrés, des projets de recherche évoqués précédemment. Et pour preuve, le projet du boost à liquide devait, à ses prémices fin 2019, venir améliorer la performance du véhicule en termes de kilowatts et donc la puissance des chaînes de propulsion. Mais quelques idéations plus tard, l’intérêt de la recherche s’est tourné vers les préoccupations écologiques permises par le sujet.

Une réorientation rendue possible par l’agilité des équipes, mais aussi par la variété de leurs expériences, notamment auprès de constructeurs. « Une vraie richesse pour ne jamais cesser d’apprendre et de transmettre », conclut Rémi BAYET.